Votre banquier ne vous en a sûrement jamais parlé mais cette jeune pousse vaut près de 5 Mds€ et concurrence les banques sur le marché lucratif des transferts d’argent internationaux. Fondée notamment par Taavet Hinrikus, l’un des développeurs estoniens du logiciel d’appel Skype, Wise (ex-TransferWise) devrait entrer en Bourse cette année et fait référence parmi les start-up de Technologie financière ou « Fintech ». Entretien éclairant sur l’avenir de la finance mondiale avec son patron et cofondateur, Kristo Käärman.
Méconnue en France, votre entreprise est d’origine estonienne et basée à Londres, comment êtes-vous devenu un poids lourd de la Fintech mondiale ?
Kristo Käärmann. Nous avons commencé il y a 10 ans comme un service bancaire de transferts d’argent avec des commissions très faibles puis nous avons commencé à assurer des services de paiements internationaux dans plusieurs devises. Nous proposons désormais des cartes et des comptes bancaires.
Nous avons eu l’idée de notre start-up avec Taavet Hinrikus quand nous avons déménagé en Angleterre, il était encore payé en euros et moi en livres Sterling. Il avait besoin de « pounds » pour vivre et les taux de change étaient excessifs, jusqu’à 5 % du montant total, donc nous nous échangions les devises entre nous. Nous avons ensuite commencé à organiser des échanges plus formels et numériques entre les différentes monnaies jusqu’à étendre notre réseau. C’est un système de prêts de pair à pair. En tant qu’intermédiaire entre un compte bancaire dans un pays et un autre à l’étranger, nous prélevons des frais 5 fois moins cher que les banques et nous appliquons un taux de change minimum. C’est possible car 34 % de nos échanges internationaux s’effectuent en moins de 20 secondes donc l’argent circule en permanence.
Comment vous assurez-vous que vos transferts ne sont pas détournés afin de procéder à des paiements illégaux ou blanchiment d’argent ?
Nous surveillons en permanence comment l’argent circule dans tous les pays où nous opérons et nous avons l’obligation légale de signaler aux autorités tous les mouvements louches. Nous avons un système d’algorithmes pour les repérer mais aussi des humains qui les scrutent plus en détail. La combinaison des deux permet de déterminer si nous avons affaire à une activité propre ou si nous devons prévenir la police.
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Quel a été l’impact de la pandémie sur votre modèle économique basé sur les échanges internationaux ?
L’année 2020 a été difficile comme pour tout le monde. Les gens ont moins voyagé mais les expatriés ont continué plus que jamais à avoir besoin de virements internationaux. Les entreprises de toutes tailles clientes chez nous se sont aussi beaucoup internationalisées et vendent autant au coin de la rue qu’à 3 000 kilomètres. Ce commerce-là a plutôt bien résisté.
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Comment des start-up comme Wise ou… de la Fintech vont-elles modifier les activités des banques traditionnelles ?
Le secteur bancaire se retrouve face au défi de l’évolution. Ils sont capables de faire parfaitement cinq activités du quotidien comme ouvrir des comptes, fournir une carte bancaire ou offrir des prêts immobiliers. Mais ils sont mauvais sur toutes les autres comme les virements internationaux, qui sont ponctuels, ou les paiements sur Internet pour professionnels, une activité dans laquelle une jeune entreprise comme Stripe est meilleure. Pour retenir leurs clients, les banques ont donc besoin d’intégrer tous les nouveaux services dans l’expérience de leurs jeunes utilisateurs. Elles sont demandeuses de nos logiciels à intégrer dans leurs propres applications plutôt que voir leurs clients partir chez nous.
En tant qu’acteur prépondérant de la Fintech, pourquoi ne vous lancez-vous pas dans les échanges en cryptomonnaies et notamment en Bitcoin comme de nombreuses autres start-up ?
Nous avons bloqué les achats de Bitcoin depuis 2013 car nous ne ne voulons pas faire prendre de risques à nos clients avec leur argent. Beaucoup de gens voient uniquement le Bitcoin ou les autres monnaies comme un investissement très spéculatif, avec éventuellement des profits à la clé. Nous n’avons pas trouvé une bonne raison d’offrir ce genre de service à nos clients. Il n’y a pas de valeur ajoutée pour eux et il existe déjà beaucoup d’outils de « trading » et de spéculation.